Née au Maroc et arrivée très jeune en France, Esther Assouline a commencé son parcours d’artiste par le pastel. Ce n’est que plus tard, grâce à la rencontre d’une jeune femme, professeur dans une école de bijouterie contemporaine, qu’elle a découvert sa vocation de joaillère. Elle retrouvait ainsi, inconsciemment, ses racines méditerranéennes où le bijou, porté dès le plus jeune âge, constitue un élément essentiel du patrimoine identitaire.
Pendant un an, elle suivit assidûment les cours et acquit les techniques de base du travail du métal comme la soudure et le façonnage. Mais cette formation lui sembla incomplète pour imprimer à l’or les motifs qu’elle avait en tête.
Esther fit alors une rencontre décisive en la personne de Wiga Nikulski, joaillière et ciseleuse, avec laquelle elle put s’initier à la ciselure. Cet apprentissage lui a permis d’affirmer sa personnalité et de prendre confiance en ses capacités à exprimer ses émotions et son héritage culturel à travers des bijoux en or d’une incroyable beauté brute.
En 2007, tout en continuant de bénéficier de conseils techniques de Wiga qui l’accompagne dans ses explorations créatives, Esther Assouline décide de se lancer dans le métier de joaillier. Elle signe ses pièces « Esther », un nom qui sied parfaitement à ses bijoux qui paraissent surgis de la nuit des temps.
Vous travaillez beaucoup sur les aspects patinés, martelés, cabossés ou usés. Est-ce pour vous une manière de transplanter un savoir-faire ancestral que l’on trouve chez les orfèvres du Maghreb ?
Esther Assouline : Absolument ! Cette dimension-là est fondamentale dans mon travail. Le métal lisse et impeccable d’aspect ne correspond pas du tout à ma démarche. J’ai besoin d’aspérités et même d’incidents. En cela, la ciselure m’a permis non seulement de pouvoir dessiner dans le métal mais également d’amener des effets de matière.
En utilisant des outils que j’ai fabriqués moi-même, je vais au cœur du métal. Ainsi, lorsque le bijou se patine, à la différence d’une ciselure faite à la machine, les effets de matière que je lui ai imprimés ressortent encore davantage.
Ce qui pourrait apparaître comme un défaut est donc pour vous une marque de fabrique ?
Esther : C’est même génial ! Et la raison pour laquelle je ne pourrais pas envisager de déléguer la réalisation à d’autres. En effet, lorsque je travaille sur un bijou, je ne sais jamais le moment où il sera achevé. Même si je peux me dire à un instant qu’il n’est pas utile de continuer plus avant, il suffit alors que surgisse le moindre accident de matière pour que cela m’incite à tout reprendre.
Quels sont vos matériaux de prédilection ?
Esther : Comme beaucoup de joailliers, j’ai commencé par travailler l’argent pour des raisons d’ordre économique. Mais je trouvais qu’il y avait tellement de choses réalisées en argent que ce matériau ne donnait pas sa vraie valeur à mes recherches. J’ai donc décidé de passer à l’or, un matériau que j’adore et qui ne cesse de stimuler mon imaginaire. J’aime particulièrement l’or jaune 22 carats qui a quelque chose de solaire, mais pas dans un aspect trop poli ou lisse. Je le laisse tel quel pour que mes bijoux, une fois qu’ils se patinent, gardent cette sensation de matière pleine et sensuelle. Pour les bagues, j’utilise du 18 carats (750/‰) pour des questions techniques car le 22 serait trop mou.
Vous utilisez souvent des gemmes précieuses dans votre travail…
Esther : Oui, parce que je les adore. Surtout les pierres de couleur. J’aime tout particulièrement les tourmalines et les diamants bleus dont la tonalité se marie si bien avec la tourmaline rose. J’apprécie aussi les mélanges des multiples couleurs de diamants champagne, cognac, jaunes, avec de temps à autre une petite touche de diamant blanc pour donner une note de lumière supplémentaire.
Cherchez-vous à raconter des histoires à travers vos créations ?
Esther : Peut-être d’abord la mienne (rire). Cela dit, la première bague que j’ai faite était comme un hommage à ma mère. Elle possédait un bracelet berbère très ancien en or 22 carats que son père lui avait offert lorsqu’elle était toute jeune fille. J’ai repris l’esprit de ce bracelet pour le retravailler sous la forme d’une bague. Cette réinterprétation m’a demandé tellement d’heures de ciselage que cela m’a esquinté les yeux et m’oblige depuis à porter des lunettes.
Sinon, j’ai également une ligne que j’ai baptisée Jaipur. Son design s’articule autour d’une goutte travaillée avec un peu de granulé et sertie d’un petit diamant de couleur. C’est mon évocation de l’Inde.
On sent dans vos bijoux comme une forme de spiritualité…
Esther : Je suis d’une nature profondément terrienne et je pense que cela se sent dans mes bijoux. Par leur côté très martelé, très empreint de la main humaine, ils évoquent des fragments de pierres ou d’objets cassés. En même temps, il existe au fond de moi un sentiment étrange, difficilement explicable, qui m’envahit lorsque je façonne une pièce. Cela explique sans doute pourquoi on me dit souvent que mes bijoux possèdent une âme. J’ai même la sensation qu’au-delà de l’influence de mes racines marocaines, l’origine de ce sentiment remonte plus loin dans le temps, avant même ma naissance…
Retrouvez les bijoux d’Esther sur le site : Esther Assouline, bijoux de créateurs à la galerie Elsa Vanier.
Découvrez-la également dans l’émission Nec plus ultra sur tv5 monde, en cliquant sur le lien suivant : Esther, créatrice de bijoux